La XXIXe édition du salon annuel MSPO s’est tenue, comme chaque fois, sur le site du centre d’exposition de Kielce, ce malgré les contraintes sanitaires. Plus de 400 exposants, principalement polonais, ont présenté leurs nouveautés, dans de nombreux domaines d’actualité, comme les drones et autres robots, les armements, les blindés et les chars, les matériels aériens et anti aériens, les plateformes navales ou encore les moyens de commandement et de communication. On notera également cette année la venue de plusieurs pavillons étrangers, partenaires de l’effort polonais, ou éventuels vendeurs. Nous retiendrons les présences de la France, de l’Ukraine, de la République tchèque, des pays scandinaves, de l’Allemagne, de la Grande Bretagne, de la Turquie ou encore de la Corée du Sud. Surtout, la présence de nombreux stands étasuniens démontre l’intérêt que Washington porte à la Pologne, et la présence de matériels majeurs (avion F-35, drone expérimental XQ-58A et char M1 Abrams notamment) en témoigne.
Un hall dédié au groupe PGZ
PGZ, ou complexe militaro industriel polonais, à en croire leur panneau de présentation, c’est a minima 29 entreprises majeures, qui officient dans tous les domaines, terrestre, aérien et naval. A l’inverse de l’année dernière, où seul le panneau de présentation était observé, au moins un hall leur a été dédié, ainsi qu’une part importante du display extérieur. Aux dires de ses responsables, le groupe entend démontrer qu’il est devenu un acteur, sinon un partenaire incontournable dans le domaine des productions de défense.
Le char de bataille, pièce maitresse de l’armée de terre…
Il est rare d’observer sur un même salon, et d’autant plus si ce salon est de dimensions modestes, plusieurs chars de bataille. MSPO 2021 a permis d’observer en displays intérieurs et extérieurs cinq chars opérationnels et une maquette. Ce domaine est semble-t-il devenu une priorité pour les forces armées polonaises. Trois tendances semblent se détacher. Le char T72 M1R, quoiqu’ancien, a encore été modernisé et tient toujours sa place dans le paysage blindé. Les chars Leopard II A5, modernisé par le groupe WZM (appartenant à PGZ), et LEO II PL M1, présenté par Bumar Labedy (autre compagnie du consortium PGZ), dénotent de l’intérêt porté depuis plusieurs années par l’armée de terre. Il était prévu qu’en décembre 2020, les forces terrestres recevraient a minima 12 exemplaires.
Le groupe sud-coréen Hyundai présentait encore cette année sa maquette de K2 PL à sept galets. Tout cela sans compter la déclaration du ministre de la défense en juillet sur la possible acquisition de 250 chars étasuniens Abrams M1A2 SEP 3 (doté du système de protection active israélien Trophy). Le directeur de Bumar a néanmoins déclaré que le groupe continuerait à améliorer le LEO II PL et que le programme n’était pas arrêté.
… comme les blindés
Les véhicules blindés n’étaient pas en reste pour cette édition, et l’on a pu observer une part importante de la famille Rosomak 8X8, avec la présentation des dernières versions, à savoir le blindé de reconnaissance d’artillerie ARV, et le blindé de dépannage lourd WTD. Les forces terrestres polonaises continuent, comme d’autres armées d’ailleurs, à se doter d’un parc sur châssis unique dans de multiples adaptations.
Autre blindé, l’Autosan 4×4 présenté sur le stand de PGZ. Si le producteur est avant tout spécialisé dans la production de véhicules de transport en commun, son département défense présentait un véhicule qui répond aux normes techniques demandées par le MINARM, tant au niveau de la protection, de la mobilité ou encore de l’habitabilité. Les critères de l’ensemble des véhicules proposés, si le programme Pegaz est relancé, donneront des difficultés à convaincre les décideurs.
Une défense antiaérienne et antidrones solide
Autre domaine largement présenté sur les stands et dans les allées de MSPO, celui de la défense aérienne démontre l’intérêt de la Pologne pour la protection de son espace aérien. L’ombre des missiles Patriot était présente avec l’exposition des moyens logistiques dédiés.
Le groupe Pitradwar (groupe PGZ) présentait ses systèmes anti-aériens missiles (système MANPADS POPRAD) et canons avec les PILICA (bitube de 23 mm modernisé) et WG-35 (un poste de commandement peut gérer jusqu’à huit canons AG-35 de 35 mm dans le même temps et une fois les cibles acquises par l‘armement, reprendre l’acquisition d’autres cibles)
Pitradwar présentait également une version navalisée du canon de 35 mm et de son radar d’acquisition, dénommée OSU-35 K.
Coté moyens de lutte antidrones, la tendance était surtout axée sur les moyens canons, alors que, jusqu’à présent, les systèmes électromagnétiques et laser se faisaient la part belle dans ce domaine. Ainsi, les entreprises polonaises montraient leurs armements anti aériens en évoquant l’axe antidrones, à l’aide de mitrailleuses multi-canons de type Gatling, ou de munitions airburst, montés sur plots fixes, sur véhicules ou sur UGV, tels les RRB-01 (groupe WITU), PIRAT (groupes ZMT, Telesystem et Mesko) ou PERUN (groupes ZMT et Stekop).
Point focal du domaine de la défense anti aérienne, le projet d’une munition présentée par le groupe Spartacs, que nous appellerons « système missile antidrone ». Cette munition est tirée, comme un missile, à la verticale, lâche son propulseur telle une fusée spatiale (ce dernier retombe sous parachute et peut être récupéré) et sa charge se stabilise à l’aide de quatre rotors. Cette munition lancée en plusieurs exemplaires transforme l’espace aérien en champ de mines à fragmentation contre les munitions et les drones.
Les munitions et leurs systèmes, avec les mines en point focal
La Pologne a toujours été réputée pour la qualité de ses productions de munitions. Cette année a encore été fidèle à cette réputation. Nous retiendrons plusieurs tendances pour ces productions.
Dans le domaine des missiles, la Pologne produit maintenant le système antichar Spike LR2 (groupe PGZ) et finalise son projet Pirat, à guidage sur faisceau laser (la conduite de tir était présentée sur le stand PCO). Le bureau d’études WITU propose toujours son système MOSKIT, en poste à terre ou monté en pod tourelle. De même, plusieurs robots terrestres (UGV) étaient présentés, porteur du missile antichar ukrainien Korsar, à guidage laser. Le groupe Ukroboronprom présentait d’ailleurs son simulateur Korsar sur le pavillon ukrainien.
Les munitions d’artillerie à guidage terminal, le plus souvent laser, sont toujours au stade de prototype sur le pavillon du groupe PGZ, en calibres 120 mm (APR 120 pour le RAK notamment) et 155 mm avec l’APR 155, pour l’automoteur KRAB, et, pourquoi pas, le nouvel automoteur DITA (présenté par le groupe tchèque AE Excalibur) mis en évidence sur ce salon mais déjà présenté lors du salon IDEX 2021 (voir article sur notre site).
Dans le cadre de l’instruction, les entreprises polonaises WITU (pour la conception) et NIEWIADO (production) proposent trois munitions spécifiques relatives à celles largement employées habituellement pas les forces. Ainsi les munitions baptisées ISA permettent de simuler le départ de coup et la fumée qui s’en dégage. Ces munitions existent dans les calibres 73 mm (pour les blindés BWP-1 basiques), 120 mm pour les chars Leopard (et peut être Abrams) et 155 mm pour l’automoteur Krab par exemple.
Pour ce qui est de la partie « mines », plusieurs étaient présentées, et surtout il faut noter la présence du disperseur de mines antichars Baobab-K (« K » parce qu’il est à roues) capable de former un bouchon de mine de près de 600 m avec 600 mines NM123 non relevables. PGZ présentait également sa mine à action horizontale Tulipan, sa mine navale MPD-O ou encore la dernière évolution du moyen d’initiation de mine antichar à pression ZN-97. Ce disperseur de mines avait déjà été proposé à l’époque par le bureau de R&D WITI, monté sur châssis chenillé MTLB. De son côté, le groupe 11 Works présentait toute une gamme de mines antipersonnel à fragmentation et à action dirigée.
Les drones demeurent une tendance forte
MSPO a été l’occasion d’observer tout un panel de drones et de robots, en service ou à l’état de projet, de toutes tailles et dédiés à tous types de missions.
Pour la partie aérienne, les systèmes à voilure tournante, ou fixe… ou les deux étaient nombreux et les arguments de présentation s’orientaient davantage sur les missions collaboratives (interaction et essaim). Le groupe polonais WB a été particulièrement efficace dans son choix de faire communiquer ses drones FT-5 (toutes versions selon les durées de missions), Warmate II et Flyeye, avec au final, éventuellement la mise en place d’un essaim de munitions rodeuses Warmate dotées de plusieurs versions de charges. Dans un autre registre, les présentations de droneHub étaient également multiples dans les allées.
Enfin nous retiendrons, sur le pavillon étasunien, le projet de drone supersonique XQ-58A « Walkyrie » présenté à l’échelle 1 par le groupe Kratos. Ce système de grande taille a été demandé par l’USAF, mais pourrait présenter un intérêt pour l’armée de l’air polonaise qui ne possède aucun drone de grandes dimensions. Un officier polonais a néanmoins annoncé l’arrivée prochaine de drones MALE TB-2.
En ce qui concerne les robots terrestres, plusieurs systèmes étaient présentés, principalement en tant que prototype ou de Beta testeurs par les instituts divers, qu’ils soient du MINDEF ou privés. Ainsi nous noterons les drones PAWO et autre BIZON, qui devraient servir de base de travail aux industriels.
UGV RRB-01
En revanche, nombre de drones moyens (moins d’une tonne) armés (armement de petit calibre et/ou missiles antichars) étaient proposés par les différents groupes, que ce soit PGZ avec son Perun (basé sur un quad Polaris) ou son Pirat (armé d’un missile Korsar), WITU avec le RRB-01, ou encore les ukrainiens du groupe Temerland qui présentaient leur drone Scorpion III armé de conception innovante (utilisation de l’IA pour reconnaitre son parcours et les obstacles), porteur d’un mini drone Gnom de reconnaissance dirigé au câble ! Sur ce registre, il semble que la Pologne ne s’intéresse pas aux drones lourds, de type Uran 9, se satisfaisant de ce gabarit, mobile, efficace et à faible centre de gravité.
UGV SCORPION III
Enfin, les drones navals étaient peu représentés, mais avaient le don d’exister, à l’image d’un système sous-marin produit par l’institut de recherche technologique de Gdansk. La Turquie (stand Meteksan) présentait son dernier système ULAQ, observé il y a peu lors du salon IDEF à Ankara. Pour le reste, les écoles et autres entités de soutien de la marine présentaient leurs différents ROV et UUV de reconnaissance, largement employés selon eux dans le cadre de la protection des arsenaux. C’est le cas du ROV LBV200-4, en service depuis peu au sein de la marine polonaise.
Source: defense.gouv.fr